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Première radiographie dentaire (1896)

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Prix Georges Villain d'histoire de l'art dentaire

 

Première radiographie dentaire (1896)

Par
Xavier Riaud

En 1838, le chimiste et physicien britannique Faraday (1791-1867) s’intéresse aux décharges électriques dans les gaz raréfiés. Il met en place une anode et une cathode en vis-à-vis dans un tube en verre. La cathode est mise sous tension et si celle-ci est assez élevée, cela déclenche une étincelle entre les deux électrodes. Si on diminue la pression du gaz dans l’ampoule, on constate que l’apparence de l’étincelle se change en une émanation violette. Faraday pense alors avoir découvert un quatrième état de la matière qu’il nomme « matière radiante ». Cette expérience est refaite tout le XIXe siècle. En 1869, Hittorf (1824-1914) prouve que cette lueur est due à l’arrivée, sur le verre, de rayons qui se propagent en ligne droite depuis la cathode. Il montre aussi que c’est rayons peuvent être déviés par un obstacle. L’arrivée des rayons cathodiques sur la paroi du tube provoque la fluorescence du verre et l’obstacle contre lesquels ces rayons buttent génère une ombre sur la paroi du tube.

En 1895, le physicien allemand Wilhelm Conrad Röntgen (1845-1923), alors âgé de 50 ans, étudie le rayonnement cathodique avec des tubes de Crookes. Il s’intéresse plus précisément à la pénétration des rayons dans le verre. Il a déjà été constaté à l’époque que les rayons cathodiques peuvent franchir la paroi du tube et pénétrer de quelques centimètres dans l’air. Dans la soirée du 8 novembre, au cours de ses travaux préliminaires, il décide de recouvrir le tube d’un cache en carton noir. Il constate alors qu’un écran recouvert d’une couche de platinocyanure de baryum placé fortuitement en face du tube devient fluorescent lors de la décharge. Or, il sait qu’à cette distance, la fluorescence ne peut pas être due aux rayons cathodiques. Il éloigne encore l’écran et constate que la fluorescence persiste malgré l’augmentation de la couche d’air à traverser. Puis, il intercale des objets entre l’ampoule et l’écran : une feuille de papier, une feuille d’aluminium, du bois, du verre et même un livre de mille pages. À chaque fois la fluorescence persiste : il en conclut qu’il vient de découvrir un rayonnement distinct de celui émis par la cathode, très pénétrant puisqu’il est capable de traverser la matière. Ces rayons étant inconnus jusqu’alors, il les nomme « X » du nom de l’inconnue en mathématiques. Il consacre les dernières semaines de 1895 à manipuler en solitaire et parvient à attribuer les caractéristiques suivantes aux rayons X :

- Ils sont faiblement absorbés par la matière. Mais, cette absorption augmente avec la masse atomique des atomes absorbants : une fine couche de plomb suffit à stopper le rayonnement produit avec ses sources de rayons X.
- Ils sont diffusés par la matière. C'est l’origine du rayonnement de fluorescence.
- Ils impressionnent une plaque photographique.
- Ils déchargent les corps chargés électriquement.

Il montre également que les rayons ont pour origine la paroi du tube de verre à l’endroit où arrive le rayonnement cathodique. Dans sa première communication faite à la Société physico-médicale de Würzburg, intitulée « Sur un nouveau type de rayon », il remarque que « si l’on met la main entre l’appareil à décharges et l’écran, on voit l’ombre plus sombre des os de la main dans la silhouette un peu moins sombre de celle-ci. » Röntgen décrit la première image radiographique. Il réalise également le premier cliché radiographique, le 22 décembre 1895, en intercalant la main de son épouse entre le tube de Crookes et une plaque photographique. Les parties les plus denses et épaisses sont les plus sombres sur la plaque. On distingue une bague sur le majeur (Demirdjian H., « La radiographie (I) – Histoire de la radiographie et de ses applications médicales », in CultureSciencesChimie, 2007).


Wilhelm Conrad Roentgen et la première radiographie de la main de sa femme (1895) Wilhelm Conrad Roentgen et la première radiographie de la main de sa femme (1895)

Wilhelm Conrad Roentgen et la première radiographie de la main de sa femme (1895).

Röntgen se voit attribuer le premier Prix Nobel de physique en 1901 en récompense « des services extraordinaires rendus possibles par sa découverte des rayons remarquables qui portent son nom ».

Les rayons X suscitent immédiatement un vif intérêt au sein du public. Les premières radiographies font le tour du monde par voie de presse et il ne faut pas longtemps pour que la radioscopie (observation sans prise de cliché) et la radiographie deviennent des attractions de foire. De son côté, le corps médical saisit très vite l’intérêt offert par cette technique d’imagerie (Demirdjian H., 2007). 


Otto Walkhoff est né le 23 avril 1860, à Braunschweig, en Allemagne. Il décède le 8 juin 1934, à Berlin. Dentiste de profession, il publie un premier livre en 1928, intitulé le Système des traitements médicaux des pathologies pulpaires et périodontales. En 1931, un deuxième ouvrage paraît qui porte le titre Le problème des infections dentaires et les moyens employés en dentisterie conservatrice pour les traiter. Aujourd’hui, Walkhoff est encore considéré comme un des pères fondateurs de l’endodontie. Il a notamment banalisé l’usage du chlorophénol camphré pour stériliser les canaux et en 1896, accompagné de Fritz Giesel, est l’auteur de la première radio dentaire de l’histoire.

Quatorze jours après la première publication de Roentgen en date du 28 décembre 1895, Walkhoff réalise la première radio dentaire de ses propres dents. Pour cela, il demande au professeur de physique Fritz Giesel également de Braunschweig de l’assister. Il le prie de prendre une radio de ses molaires. Des petits morceaux son découpés dans les plaques du commerce d’origine et ensuite enveloppés pour en conserver un témoignage. Walkhoff a reçu les premiers rayons intrabuccaux après une exposition d’une durée de 25 minutes. Dans son compte rendu, il rapporte : « Cela a été une vraie torture, mais j’ai ressenti une grande joie en étant confronté aux résultats. C’est là que j’ai mesuré l’importance de la découverte de Roentgen pour la dentisterie du futur. » Mais, cette application n’a pas été sans heurt et sans effet secondaire, puisqu’elle a induit la perte des cheveux de son généreux « cobaye ».


Dr Otto Walkhoff, dentiste allemand, et sa première radiographie dentaire (1896) Dr Otto Walkhoff, dentiste allemand, et sa première radiographie dentaire (1896).

Dr Otto Walkhoff, dentiste allemand, et sa première radiographie dentaire (1896).


L’usage des rayons X pour réaliser des images médicales se répand dans le monde entier dès 1896. La première installation radioscopique voit le jour en France, en 1897. En effet, le Dr Béclère installe, cette année-là, dans son service de médecine générale à l’hôpital Tenon, une installation radioscopique destinée à faire des radio du thorax et des poumons à des fins de détection de la tuberculose.


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